Outils et mécanismes de diffusion : publications, prix, réseaux
Les périodiques et mémoires : une circulation à grande échelle
Le moteur par excellence de la diffusion savante fut la publication régulière d’actes et mémoires. Dès le XVIIIe siècle, les sociétés savantes adoptent la pratique du compte-rendu (par exemple, les Mémoires de l’Académie de Berlin, imprimés et diffusés dans toute l’Europe, ou les Mémoires de la Société royale de Londres - les Philosophical Transactions lancés dès 1665). Quelques chiffres :
- Plus de 1 200 titres de revues savantes sont lancés en France entre 1680 et 1789, dont les trois quarts en province (Source : Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, n°52-4, 2005).
- À Paris, le tirage des volumes annuels des Académies peut dépasser le millier d’exemplaires, souvent réimprimés localement.
Ces écrits, formant les premiers réseaux de « pré-édition scientifique », sont systématiquement échangés entre sociétés, envoyés aux correspondants de province, traduits, voire pillés par certains encyclopédistes (!). Ce maillage constitue une forme précoce d’open access, favorisant l’irrigation des idées entre métiers, disciplines et contrées éloignées.
Les prix et concours : la science au service du bien commun
Autre levier majeur de diffusion : l’organisation de concours et la remise de prix annuels. Entre 1715 et 1789, rien qu’en France, plus de 350 concours sont recensés (source : ibid.). Les Académies, régionales comme nationales, proposent à la réflexion :
- Des sujets d’intérêt local (assainissement, techniques agricoles, maladies endémiques…)
- Des thèmes plus universels (égalité des sexes : « Faut-il donner la même éducation aux filles et aux garçons ? » Nantes, 1786).
- Des problématiques scientifiques de pointe (résolution d’équations, navigation, météorologie…).
Jean-Jacques Rousseau doit sa célébrité initiale à son Discours sur les sciences et les arts, lauréat du prix proposé par l’Académie de Dijon en 1750. Au-delà de la reconnaissance, ces concours donnent naissance à des centaines de mémoires, souvent publiés et débattus publiquement, faisant vivre la recherche hors des cercles restreints.
Conférences, démonstrations et fêtes publiques
Les sociétés savantes ne sont pas des cénacles fermés. Dès le XVIIIe siècle, elles multiplient séances publiques, conférences ouvertes, démonstrations de physique, soirées musicales ou lectures. Leurs réunions sont annoncées par voie d’affiche ou dans les journaux. La « grande affluence aux séances de chimie de la Société Royale de Médecine et des Sciences de Lyon » en 1780 (source : Lyon et la révolution chimique, CNRS, 2016) atteste d’un véritable engouement populaire :
- Des expériences spectaculaires (descente du vide, jeux sur l’électricité statique…) deviennent des attractions urbaines.
- Les artistes (musiciens, poètes) lisent en public leurs œuvres, plusieurs décennies avant l’avènement du café littéraire moderne.
- Les débats sur l’inoculation contre la variole ou sur la vaccination, initiés par les sociétés savantes, servent de levier d’information et de médiation à grande échelle.