L’héritage vivant des sociétés savantes à Montbéliard : un moteur toujours actif de la vie culturelle et scientifique

De l’esprit d’émulation aux réseaux d’aujourd’hui : la genèse d’une tradition locale

Au croisement des Lumières et des dynamiques industrielles, Montbéliard, territoire frontalier et carrefour d’idées, n’a jamais cessé de cultiver le goût du savoir collectif. Dès la fin du XVIII siècle, la création de sociétés savantes, comme la Société d’Émulation de Montbéliard (fondée en 1799), marque le point de départ d’une longue histoire où la passion pour les lettres, les sciences et les arts s’est structurée autour de la discussion, la diffusion et la transmission.

Si la Société d’Émulation de Montbéliard fut dissoute en 1834, elle contribua à façonner un terreau fécond : son modèle inspira durablement l’émergence de bibliothèques, musées, cercles et initiatives associatives, dans une région volontiers pionnière (source : Presses Universitaires de Rennes). Comment, deux siècles plus tard, les échos de cet héritage structurent-ils encore la vie scientifique et culturelle du pays ?

Des archives ouvertes sur le futur : la mémoire et l’accès au savoir

L’un des héritages les plus tangibles des sociétés savantes demeure leur attachement à la conservation et à la diffusion des connaissances. Cet esprit imprègne plusieurs institutions-phare de Montbéliard :

• La Médiathèque du Pays de Montbéliard : Issue de la fusion de plusieurs bibliothèques historiques, la Médiathèque conserve de nombreux fonds patrimoniaux issus d’anciennes sociétés. Près de 180 000 documents sont aujourd’hui accessibles dans ses murs, dont une précieuse collection de manuscrits scientifiques et littéraires (source : Médiathèque Montbéliard).
• Le Musée du Château des ducs de Wurtemberg : Riche de collections constituées dès le XIX siècle, dont plusieurs proviennent de donations de membres de la Société d’Émulation, il propose une approche transdisciplinaire, conjuguant histoire naturelle, beaux-arts, archéologie et ethnographie.
• Les archives municipales et intercommunales : Un effort constant de numérisation et de valorisation permet de mettre à disposition du public des ressources historiques inégalées, favorisant l’émergence de nouvelles recherches.

Par cette politique d’accès démocratique aux archives et savoirs, Montbéliard maintient l’un des idéaux clefs des sociétés savantes : décloisonner l’intelligence, permettre à chacun de s’approprier le patrimoine local et d’y contribuer.

Des lieux où l’on débat et transmet : conférences, forums, ateliers

Si le XIX siècle voyait s’épanouir salonnards et académies, la Montbéliard d’aujourd’hui offre de multiples espaces, à la fois physiques et numériques, où le dialogue et l’émulation ont trouvé de nouveaux formats. Voici quelques exemples qui perpétuent l’héritage des sociétés savantes :

• Les Rencontres de la Médiathèque : Chaque année, une cinquantaine de conférences publiques sont organisées autour de thématiques scientifiques et culturelles, ouvertes à tout public. En 2023, elles ont attiré plus de 4 000 participants, preuve de l’appétit local pour la discussion et la vulgarisation.
• Le Café des sciences de Montbéliard : Initiative associative récente, ce rendez-vous régulier invite chercheurs, ingénieurs et curieux à échanger dans une ambiance conviviale. Des sujets pointus – comme les avancées en neurosciences ou les enjeux énergétiques locaux – s’y abordent sans jargon ni esprit de chapelle.
• Fête de la Science : Le territoire du Pays de Montbéliard est chaque année un des pôles majeurs en Bourgogne-Franche-Comté lors de cet événement national. En 2022, près de 6 000 visiteurs, scolaires et publics, ont pu découvrir plus de 30 ateliers et expositions, la majorité conçus avec la participation d’associations savantes locales ou de descendants de leurs membres (source : Fête de la Science).

À ces rendez-vous s’ajoutent des initiatives scolaires et citoyennes, prolongeant la tradition d’un savoir partagé, appliqué, vivant.

L’influence discrète mais profonde sur les arts, la recherche et l’innovation locale

Un creuset pour les artistes et créateurs

Les sociétés savantes montbéliardaises n’étaient pas de simples cénacles intellectuels. Leur ouverture aux arts se prolonge actuellement dans les soutiens offerts aux artistes, comme en témoignent :

• Résidences artistiques pilotées par les musées de la ville ou la scène nationale MA – scène nationale Pays de Montbéliard : dans la lignée des expositions collectives du XIX siècle, ces résidences favorisent la rencontre entre création contemporaine et patrimoine.
• Les Journées Européennes du Patrimoine : chaque année, la valorisation d’œuvres locales illustre le rôle historique des sociétés dans la constitution et la médiation du patrimoine artistique régional.
• Nombreuses collaborations entre le Conservatoire et des structures scientifiques ou patrimoniales : concerts, lectures et expositions croisées entre musique, lettres et sciences, dans la trace interdisciplinaire laissée par les sociétés d’émulation.

Une tradition d’encouragement à la recherche et à l’expérimentation

L’apport des sociétés savantes à la recherche scientifique locale est parfois méconnu, mais il irrigue encore de nombreux projets. Quelques exemples originaux :

• Le réseau des naturalistes montbéliardais perpétue l’inventaire du patrimoine faunistique et floristique initié par les érudits du XIX siècle. Près de 1 200 espèces recensées dans des études actualisées, alimentent à la fois la pédagogie locale et des projets de conservation.
• La Société d’Histoire Naturelle du Pays de Montbéliard, rôle-clé dans la transmission des données naturalistes, organisation régulière d’excursions et de stages scientifiques grand public.
• La dynamique autour de l’énergie et l’innovation industrielle : L’héritage du modèle d’expérimentation intellectuelle irrigue encore le secteur industriel, notamment à travers le Techn’Hom et les clusters d’innovation. Environ 5 000 emplois y sont liés à la recherche et au transfert de technologie, selon l’Agence de Développement Economique du Pays de Montbéliard.

Entre enracinement et ouverture : réseaux, transmission et visibilité

Favoriser la transmission et l’éducation populaire

Les sociétés savantes avaient à cœur de mêler toutes les générations dans la découverte du monde. Cette fibre demeure au cœur du paysage associatif et éducatif montbéliardais :

• Projets intergénérationnels portés par les centres sociaux et bibliothèques, où anciens et plus jeunes partagent la mémoire, les savoir-faire, et parfois l’écriture d’ouvrages collectifs (par exemple, le cycle “Transmission des savoirs” de la Maison de quartier Jean-Jaurès).
• Pédagogie active à l’Écomusée et au Musée Peugeot : l’expérimentation y est favorisée, avec une fréquentation familiale en hausse (plus de 120 000 visiteurs annuels au Musée Peugeot selon le rapport d’activité du groupe PSA 2022).
• Partenariats scolaires avec les universités régionales et les associations savantes pour la découverte des sciences “hors les murs”.

Montbéliard, un pôle visible dans le réseau des sociétés savantes françaises

Impliquée dans le Réseau des sociétés savantes de Bourgogne-Franche-Comté (source : SHC BFC) la ville reste un acteur de diffusion et de coopération régionale. Des colloques et publications collectives associent régulièrement chercheurs et passionnés d’histoire locale, tissant des liens entre Montbéliard, Dijon, Besançon ou Strasbourg.

La tradition d’ouverture et d’accueil, héritée de l’éthique savante du XVIII siècle, explique enfin l'existence de nombreux partenariats transfrontaliers, en particulier avec le Bade-Wurtemberg voisin.

L’esprit d’émulation au XXI siècle : quels défis et promesses pour demain ?

Si l’héritage des sociétés savantes irrigue encore le quotidien culturel et scientifique du pays de Montbéliard, il doit, pour continuer de rayonner, répondre à de nouveaux enjeux :

• Réussir la transition numérique : poursuivre l’accessibilité des fonds patrimoniaux, des conférences et des savoirs, notamment vers les jeunes publics « connectés » ou éloignés géographiquement.
• Renforcer le dialogue entre amateurs et experts : faire vivre l'esprit partenarial des sociétés savantes dans un contexte de spécialisation accrue des connaissances.
• Favoriser l’hybridation disciplinaire : multiplier les projets à la croisée de l’art, de la science, de la technique et de la mémoire, à l’image de la programmation de la MA scène nationale.
• Susciter l’envie de s’engager : transmettre l’esprit d’initiative citoyenne, pour préparer les générations montbéliardaises futures à faire vivre, elles aussi, l’héritage d’émulation.

Ce dynamisme singulier montre que, plus de deux siècles après les premières sociétés savantes, Montbéliard continue d’incarner une idée généreuse : celle d’une culture et d’une science créées, partagées, et vécues avec enthousiasme par toutes et tous. Sources principales :

• Presses Universitaires de Rennes
• Médiathèque Montbéliard
• Fête de la Science
• Sociétés d’Histoire et de Conservation de Bourgogne et de Franche-Comté